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Sous l’Egide de Mars

Jusqu’au 25 juin 2011, le Musée de l’Armée (aux Invalides) accueille une superbe exposition, « Sous l’égide de Mars – Armures des princes d’Europe« . Bon d’accord, j’en conviens, l’enchaînement est sans doute un peu curieux après ma critique de Battlefield Los Angeles qui vous avait sans doute convaincu de mon côté anti-militariste. Sauf que… s’il s’agit bien d’attirails guerriers, il serait faux de les limiter à leur fonction première. Il s’agit bien d’oeuvres d’art au sens propre : Au moyen-âge, les tournois, les joutes et autres événements du même genre étaient l’équivalent à l’époque des 24 heures du Mans. Même la guerre, en un sens, entrait un peu dans cette catégorie. Que voulez-vous, les spectateurs n’avaient pas vraiment la TNT en ce temps-là… Quand on faisait partie des combattants, on y allait pour se battre, d’accord, mais on y allait sans doute autant pour se montrer, pour se pavaner.

D’où la nécessité d’affirmer son rang social par une armure plus belle, plus riche, que celle du voisin. Si les combats étaient les 24 heures du Mans, alors l’armure et l’attirail dont on recouvrait le cheval étaient tenaient à peu près le même rôle que la Formule 1. Entrent alors en scène de vrais artistes, de véritables « designers » avant l’heure, qui s’inspirent des peintures et des sculptures de l’époque pour produire représenter des scènes à même l’armure. Les photos vous donneront forcément une idée fausse, pas assez détaillée, de ces trésors de précision qui ressemblent à des voutes de basilique. Pour tout dire, il semble que certains motifs de Raphaël aient été « empruntés », reproduits, sculptés… parfois enjolivés par les damasquineurs… Les responsables de l’exposition ont d’ailleurs assez bien joué le jeu en exposant pas seulement les armures mais aussi les croquis, les projets ou les étapes intermédiaires de la création. Non, ne vous laissez pas tromper par le fait qu’on est au Musée de l’Armée et qu’il s’agit d’harnachements destinés au combat : c’est bien d’Histoire de l’Art dont il s’agit.

Sur deux salles du Musée de l’Armée sont regroupées quelques armures des princes d’Europe. J’écris « quelques » parce qu’il n’y en a pas des centaines et qu’au demeurant on pourrait croire que la visite va être faite au pas de course. D’autant que si comme moi vous commencez par la salle à droite de l’entrée, vous n’en verrez d’abord que quelques-uns (les plus belles étant dans la salle gauche). Mais vous verrez. Mieux vaut commencer comme ça car l’affaire se complique en gros dès qu’on a vu les deux ou trois premiers objets et qu’on s’aperçoit de la multitude de détails sur chaque pièce. Le « moindre » casque ou la plus petite décoration renferment la représentation d’une victoire d’Hercule ou un fait de guerre. Ces armures, ce sont un peu, sur le plan de la décoration, comme des monuments portables. Ci-bien qu’on pourrait passer des heures à regarder certains objets tout en continuant d’y trouver des créatures cachées. Le côté documentaire de l’exposition est assez bien pensé, avec la présentation de certains grands faiseurs d’armures comme le malchanceux Eliseus Libaerts (une de ses productions coula lors d’un naufrage avant qu’il puisse la livrer mais il fut aussi retenu prisonnier par un nouveau maître qui lui fit produire à son tour des armures pour lui. Serait-ce le Tony Stark de la Renaissance ?). Il y est aussi question de peintres comme Jean Cousin le Père, qui influença énormément les motifs des armures… pour la simple et bonne raison que ses deux filles avaient épousées des maîtres-armuriers…

Déjà la première pièce nous en balance plein les mirettes mais en fin bon on se dit que ce serait un peu court s’il n’y avait que ça. On passe donc dans la seconde zone de l’exposition pour cette fois découvrir des armures « en pied », montées sur mannequin. Des équipements scintillants, comme neufs… D’autant plus qu’une bonne partie d’entre eux ne servaient sans doute qu’à l’apparat et aux réunions publiques, quand ce n’était pas pour les accrocher dans une pièce (et donc pas vraiment au combat). Là encore, c’est du bel ouvrage, de la création artistique pure, portée par les nantis du moment qui, en voulant « paraître », n’en devenaient pas moins des mécènes.

C’est aussi captivant que surprenant (et une fois encore ne vous laissez pas prendre aux photos, qui ne peuvent retranscrire l’ampleur de ces objets) et l’exposition se double par ailleurs d’un épais bouquin en guise de catalogue, publié aux Editions Nicolas Chaudun. Comme les armures réunies proviennent de différents musées à travers le monde, je me méfiais un peu du catalogue (souvent dans ces cas là les photos ont été réalisées avant, dans des lieux très différents de la scénographie finale). En fait, le livre est au contraire bien fait et bien illustré (j’aurais peut-être préféré un meilleur contraste sur certaines photos mais bon…). C’est un bon moyen de parcourir le sujet au delà de l’exo. Bizarrerie de la chose cependant : résistez à l’envie de l’acheter sur place à la librairie du musée et commandez-le sur Amazon (Armures des princes d’Europe : Sous l’égide de Mars) : il coûte trois euros de moins (et le port compris). Globalement exposition comme livre font regarder les armures d’une manière radicalement différente… C’est sur qu’après ça on ne voit plus les films de chevaliers (avec leurs boucliers en carton) de la même manière… Là aussi, la réalité a finalement bien plus d’imagination, de panache, que la fiction..

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Xavier Fournier: