Comic-books et politique

Comic-books et politique

Comic-books et politique

19 février 2017

(Courant février 2017, j’ai été contacté par un étudiant, Justin Noto, en vue d’un dossier traitant des rapports entre comics et politique. Avec son accord, j’ai décidé de poster ici notre discussion – qui n’est en rien son dossier final – sachant qu’elle pourrait intéresser d’autres personnes et que… du coup cela m’évitera de répondre x fois aux mêmes questions)

Pensez-vous que les comics – et par là j’entends principalement les super-héros -, sont engagés, que ce soit politiquement ou socialement ? Ils semblent flirter avec la réalité (Civil War/Patriot Act de Bush – X-Men/Discrimination raciale – Obama/Spider-Man) mais affirment-ils réellement une position ?

« Bécassine mobilisée », 1918

Historiquement, des deux côtés de l’Atlantique, la BD est née dans la presse quotidienne et, dès les premières années, que ce soit en Amérique ou en Europe, les histoires ont été en prise réelle avec ce qui se passait au même moment. Ainsi en France on trouve, par exemple, des aventures de Bécassine luttant contre les Allemands au moment de la Première Guerre Mondiale. Aux Etats-Unis c’était pareil. Le métier de scénariste de BD/Comics était assez mal payé, on formait (et encore pas dans tous les cas) les dessinateurs mais pas ceux qui écrivaient les histoires, payés aussi chichement que s’ils avaient été vendeurs de journaux à la criée ou cireurs de chaussure. Et à une époque où on travaillait plus jeune, bon nombre de pionniers des comics ont commencé à produire leurs premières histoires alors qu’ils étaient adolescents. Dans ces conditions, sans grand moyen de faire des recherches, de se documenter, la façon la plus rapide, la plus efficace, d’étayer des histoires était encore de s’inspirer de ce qui se passait dans la presse.

« Et si… Captain America avait été élu Président des USA », Dans What If #26. avril 1981

Ainsi dès les premiers épisodes, Superman a une forte conscience sociale, passe en revue tous les problèmes de la société. Par exemple dans un épisode il constate qu’il y a trop de morts sur la route, décide que cela vient de la fragilité des voitures, va voir les constructeurs automobiles et… menace de détruire leurs usines s’ils ne construisent pas des véhicules plus solides. Au pays de Ford, à la fin des années 30, ce n’est quand même pas anodin.

Après, là où les choses diffèrent des deux côtés de l’Atlantique, c’est au moment de l’Occupation. Les Allemands sont arrivés, ont interdit ceux qui avaient pris position contre eux et refusaient de retourner leur veste (la production de Bécassine fut interdite, par exemple). Puis arrive la Libération et ce sont alors ceux qui s’étaient rangés du côté des Allemands à qui l’on reproche leur prise de position.

Si bien que la BD Franco-Belge va se dire pendant des décennies qu’il vaut mieux se tenir à l’écart des questions de politique et de sociétés. Aux USA, au contraire, la fonction « parabole de la société » va rester en marche. Quand il arrive quelque chose d’important en Amérique, cela fini forcément par se répercuter dans un ou plusieurs comics quelques mois, voire quelques semaines plus tard.

The Big Lie (« Le Grand Mensonge »), 2011, de Rick Veitch et Gary Erskine, dans lequel une voyageuse du temps tente d’empêcher les attentats du 9/11, tout en soulignant dans le même temps les incohérences de la version officielle.

Oui, clairement, la série Civil War de Mark Millar et Steve McNiven est une parabole du « tout répressif » de G.W. Bush dans l’après 9/11 et du Patriot Act. Mark Millar s’est toujours défendu d’avoir voulu trancher pour le lecteur mais fondamentalement, quand on parcourt l’histoire, on voit bien que les tenants des libertés individuelles sont les héros tandis que ceux qui veulent un régime sécuritaire sont dépeints comme des antagonistes. Dès lors qu’on identifie « le bon » et le « mauvais », il y a prise de position. Après, la présence d’Obama dans un épisode de Spider-Man est un exercice totalement différent. Obama, pendant sa première campagne présidentielle, était le premier homme politique majeur depuis longtemps à afficher son côté « geek », revendiquer le fait qu’il suivait des séries TV, lisait des comics. Un comic-book intéressant mais méconnu, Savage Dragon, a donc annoncé la présence d’Obama en guest-star dans un numéro à venir et les précommandes ont fait un bond. Si bien que Marvel, constatant cela, a bondi sur l’occasion, programmé un épisode de Spider-Man avec Obama qui a été le record de ventes de sa décennie. Mais là c’est vraiment très différent que de réagir à un évènement ou une politique, il s’agit plus de correspondre à la mode du moment. Quand la mode était au disco, les comics produisaient quelques personnages « disco ». Là, la mode était à Obama…

Progressistes

Détail de la couverture de Wonder Woman #1 (1942)

Est-ce que derrière l’aspect métaphorique de certains messages, les super-héros ont su se montrer progressistes dans certains mouvements sociaux ? Je pense, en particulier, à la discrimination raciale, avec par exemple, le personnage de Black Panther qui aurait donné son nom au mouvement éponyme ? Ou même Wonder Woman, imposée comme une figure des droits féminins ?

En 1972, Ms. Magazine, revue féministe, fait sa « une » sur Wonder Woman, où elle cotoye le nom de Simone de Beauvoir.

Je ne pense pas que l’on puisse tourner les choses comme cela, dire que « les super-héros ont su se montrer progressistes dans certains mouvements sociaux ». Comme dit précédemment, les comics ont depuis toujours une fonction de témoin. Ils sont un thermomètre. Quand la société a chaud, ils l’affichent. Parfois, certains comics peuvent être parmi les premiers à afficher la tendance, la devance même, mais ils ne modèlent pas la société. Est-ce que les comics ont pu se montrer progressistes ? Oui, dans le contexte de l’époque. Par exemple avec Wonder Woman, il y a une mise en scène de la valeur de la femme qui passe non seulement par l’héroïne elle-même mais aussi par toutes ses amies (largement oubliées aujourd’hui) qui font partie d’une sororité dans un campus. Wonder Woman ne cesse de les motiver, de leur expliquer par exemple que l’exercice physique est important ou qu’elles ont aussi un rôle à jouer dans la société. Est-ce que pour autant Wonder Woman est responsable, ne serait-ce qu’en partie, de la Libération de la Femme ? Non. Par contre elle relate, elle est le témoin, un marqueur de ce que l’opinion pense à ce moment.

Dans Fantastic Four #119 (1972), Black Panther, dérangé par la proximité de son nom avec le mouvement radical, explique à ses alliés les Fantastiques qu’il a décidé de se rebaptiser le Black Leopard, pour éviter toute confusion politique. Un changement qui ne sera que temporaire.

Pour ce que vous dites de Black Panther, je suis plutôt surpris par ce que vous avancez. Le fait que le nom du héros de Marvel aurait inspiré le mouvement n’a jamais été franchement établi, il s’agit plutôt d’une coïncidence. D’ailleurs la manière dont on voit avec le recul, de nos jours, le mouvement des Black Panthers a peu de choses en commun avec la façon dont ils étaient perçus à l’époque, jugés très extrémistes.

Captain America #117 (1969), première apparition du Faucon.

Marvel était plutôt ennuyé par cette concordance des noms, au point que pendant un temps son personnage a été rebaptisé Black Leopard (tandis qu’en France on l’appelait « Pantherman »). C’est un peu comme ce que je disais sur Wonder Woman. Est-ce que le Black Panther des comics est à l’origine des Black Panthers du réel ? Non. Par contre Marvel, plus que tous les éditeurs concurrents dans les sixties, s’est intéressé au mouvement pour les droits civiques et s’est mis à introduire de nombreux personnages noirs (auparavant inexistants) dans ses séries.

Captain America s’est découvert comme nouvel allié un héros noir de Harlem, le Faucon, Daredevil ait aidé un G.I. noir rentrant au pays, le Surfeur d’Argent croise un savant noir qui se sacrifie pour sauver la Terre, les Fantastiques font donc la connaissance de Black Panther et puis, surtout, même si ce n’est pas un super-héros, Peter Parker (Spider-Man) voit arriver dans sa série le personnage de Joe Robertson, le numéro 2 du journal pour lequel il travaille. Joe Robertson c’est un personnage très positif, qui occupe une position de cadre dans un des plus grands journaux du pays, et le héros de la série travaille sous ses ordres. Ce qui n’est pas « mince » à l’époque.

Apparu à partir d’Amazing Spider-Man #51 (1967) Joe Robertson est un contre-pouvoir par rapport aux lubies délirantes de l’irrascible J.J. Jameson (l’éditeur du Daily Bugle). C’est un responsable posé, qui ne publie rien sans avoir vérifié ses sources et un véritable mentor journalistique pour Peter Parker (Spider-Man dans le civil).

Donc en l’espace de quelques mois Marvel réagit à la fin de la ségrégation et à la lutte pour les droits civiques en multipliant les personnages. Et c’est presque une question statistique qui fait que, face à la même situation, les auteurs de comics et les fondateurs du mouvement des Black Panthers en viennent à choisir la même terminologie.

C’est un signe que le « thermomètre social » des comics est bien prise directe avec son époque. Mais il relate les choses plus qu’il ne les provoque. Vous servir d’un thermomètre vous dira que vous êtes bien portant ou malade, éventuellement jusqu’à quel point, mais ce n’est pas en soi ce qui effacera les symptômes.

Reflets de l'Amérique

G.W. Bush, à l'époque de sa présidence, représenté par Alex Ross sous la forme d'un vampire.

Les super-héros sont-ils, par leur forte corrélation avec l’actualité notamment, le reflet de la culture et de la société américaine ? On parle même d’une certaine « mythologie » dans certains cas. A ce petit jeu-là, Marvel est peut-être meilleur, quand Batman à Gotham, Spider-Man à New York.

Ms. Marvel #13 (2016), l’héroïne s’écrie « tous aux urnes » dans un épisode traitant en apparence d’un scrutin local mais synchrone avec l’élection présidentielle.

Je pense que, par la force des choses, ce que je viens d’expliquer répond à votre question. Encore que, il faille s’entendre sur ce qu’on veut dire par « reflet de la culture et de la société américaine ». S’il s’agit de relater, sous forme de parabole, les évolutions de cette société, oui, assurément.

S’il s’agit d’y voir une sorte de « photographie sociale » de la population américaine, je dirai non. Par exemple, quand apparaît Wonder Woman, cela n’empêche qu’on soit dans une Amérique sexiste. C’est même une forme de réaction au fait que l’Amérique du moment est sexiste.

Superman #17 (1942), le surhomme s’empare d’Adolf Hitler et de l’empereur Hirohito. Mais dans les faits, la guerre continue…

Sur le même registre, quand Joe Simon et Jack Kirby lancent Captain America qui se fait un devoir de taper sur la figure de Hitler, on est une grosse dizaine de mois avant que l’Amérique n’entre dans la Seconde Guerre mondiale. L’opinion américaine est très partagée, il y a ceux qui ne veulent absolument pas entendre parler d’une guerre qui se déroule sur un autre continent. Et puis il y a des mouvements pro-allemands, voire pronazis… Ce qui fait d’ailleurs que lorsque Captain America Comics #1 parait, les auteurs et leur éditeur vont faire l’objet de critiques, de menaces de mort. Si les comics étaient une photographie de ce que pense toute la population du moment, nous aurions vu aussi des comics pro-allemands et ce genre de choses.  Là, par exemple, une moitié de l’Amérique vient de voter pour Donald Trump et pour autant la moitié des comics ne sont pas « pro-Trump ». Même s’il existe quelques rares auteurs qui revendiquent se reconnaître dans Trump, le prisme des comics est majoritairement plus social, plus démocrate. Il faut dire que quand on entre chez les héros des comics la perspective est plus proche de « Robin des Bois » que de « la loi et l’ordre ».

Extrait de Captain America Comics #1 (1941), la première apparition du personnage, de nombreux mois avant l’entrée en guerre des USA.

Est-ce que leur pouvoir d’influence peut se muer en propagande ? Le personnage de Captain America est très fortement lié (et encore aujourd’hui) à une Amérique très protectionniste et impérialiste.

Il y a une double erreur de base dans votre question, mais c’est une double-erreur assez répandue. D’abord l’idée de propagande via les comics est une énormité, car elle ne prend pas en compte l’âge moyen des lecteurs dans les premières décennies de ce support. Quand Captain America Comics #1 sort, ses lecteurs ont aux environs de six ans. Ce n’est pas eux qui vont décider s’il faut aller en guerre ou s’il fait voter à droite ou à gauche. Et vu le peu de crédit qu’on accorde à l’époque aux comics, pas question d’imaginer toucher leurs parents à travers ça. Là, ce qui se passe, c’est plus que les auteurs lisent les journaux et peuvent être eux-mêmes touchés par une propagande ambiante (et encore, comme je le disais, quand Captain America parait, l’opinion publique est partagée au début). Il faut plus prendre Captain America Comics #1 (ou Wonder Woman, ou Superman) comme une parabole du monde que l’auteur voit que comme une volonté de reprogrammer le cerveau des petits lecteurs, qui n’aurait absolument aucun sens dans le contexte de l’époque.

Action Comics #101 (1946), Superman décroche un scoop en étant le premier à photographier les tests de bombe atomique. Sauf que le scoop est sacrément dépassé, l’armée a déjà bombardé le Japon près d’un an et demi plus tôt. L’épisode, conçu en amont, avait été « bloqué » par les autorités.

Le gouvernement ne soufflait pas des ordres aux scénaristes en leur disant « si Captain America pouvait faire ça, cela nous arrangerait ». Ensuite, une fois l’Amérique entrée en guerre, il y a un phénomène qui fait que chaque éditeur en fait des tonnes pour prouver qu’il est patriotique et que, quelque part, lire ses revues à lui et être patriotique. Du coup on colle sur la couverture des incitations à participer aux emprunts de guerre, il y aussi quelques bio de héros de guerre publiées avec le soutien du ministère de la Défense, mais c’est minime.

Ironiquement (mais on le sait peu) les pouvoirs publics se mettent à relire avant parution des fascicules et s’opposent, à partir d’une certaine date, à la parution de certains. Les auteurs ne comprendront que plus tard qu’on leur retoque tout ce qui a trait à l’utilisation de l’atome, du nucléaire, parce que l’armée ne veut pas propager, même symboliquement, le fait que la bombe atomique soit sur le point d’être utilisée pour ne pas mettre la puce à l’oreille de l’ennemi. Les épisodes ainsi « bloqués » seront finalement publiés à partir de 1946/1947.

L’autre erreur que vous faîtes est de lier propagande et un Captain America « très fortement lié (et encore aujourd’hui) à une Amérique très protectionniste et impérialiste ». Ce qui est totalement, allez, mettons à 98%, le contraire du personnage. Non seulement on a vu que lancer Captain America début 1941 n’était pas simplement souffler dans « le sens du vent » mais en plus c’est se tromper lourdement que de penser que, simplement parce qu’il est drapé dans les couleurs américaines, Captain America serait le reflet d’une « Amérique très protectionniste et impérialiste ».

Ultimates #3 (mai 2002), par Mark Millar et Bryan Hitch. G.W. Bush y est représenté comme un idiot face à Captain America. Soulignons que bon nombre de comics sont produits (comme c’est le cas ici) par des auteurs non-américains.

Au contraire c’est un personnage très critique envers l’Amérique, parce que sans cesse il est ce qu’elle devrait être… Vous parliez tout à l’heure de Civil War. Dans Civil War, Captain America n’est pas une sorte de boy-scout suivant les ordres, au contraire il préfère désobéir au régime et défendre les libertés individuelles. Le Captain America de Civil War est clairement anti-Bush. Ces épisodes ont inspiré en partie le scénario du film Captain America : le Soldat de l’Hiver… Des familles entières se sont engouffrées dans les salles obscures en s’attendant à voir du bon gros super-héros bien patriotique, bien de chez eux. Au contraire Captain America entre là aussi en rébellion, dans une histoire qui finit par expliquer que la survivance du régime nazi, de nos jours, ce sont les conservateurs américains, auxquels le héros s’oppose.

1974, au terme de la saga de l’Empire Secret, le Président des USA (implicitement Nixon) se suicide dans un Captain America stupéfait.

Dans les années 70, après le scandale du Watergate et la démission forcée de Richard Nixon, il y a une « saga de l’Empire Secret » dans les comics de Captain America où une organisation secrète tente de prendre le pouvoir en Amérique. Vers la fin, il ne reste plus que le chef des conspirateurs, qui s’introduit à la Maison Blanche. Captain America se lance à sa poursuite, effrayé à l’idée que le comploteur masqué s’en prenne au Président. Sauf que, quand il le rattrape dans le bureau ovale, il n’y a que lui et le malfaiteur qui se démasque, hors champ, avant de suicider. On comprend que le conspirateur était le président lui-même (comprenez, dans le contexte de ce qui vient de se passer à l’époque, Nixon en personne). Le président corrompu des USA vient de suicider devant Captain America. Et je peux vous passer en revue de nombreux épisodes de comics où c’est Ronald Reagan qui raillé, critiqué… Par exemple le numéro dans lequel l’eau que Reagan boit a été trafiquée, le transformant en homme-serpent… que Captain America doit affronter, forcément.

Captain America #76: « Prenez garde, Communistes, espions, traitres et agents étrangers ! » En 1953/1954, quelques épisodes de Captain America le montrent effectivement dans une paranoïa « anti-rouges ». Mais le public ne suivra pas cette incarnation et rapidement l’éditeur passera à autre chose.

Alors sur les centaines d’épisodes de Captain America parus à ce jour, tout n’est pas forcément au-delà de toute critique, je parlais de 98% tout à l’heure car il est vrai qu’au moment de la Guerre de Corée, dans les années 50, il y a quatre ou cinq épisodes où le personnage est ouvertement raciste, épisodes que depuis l’éditeur a expurgé du mythe en les attribuant à un imposteur.

Mais on parle vraiment de quatre ou cinq épisodes balancés par des centaines d’autres où Captain America critique l’Amérique par tous les bouts de la lorgnette. De nos jours, les séries liées à Captain America sont écrites par Nick Spencer, dans des histoires qui prennent par exemple le parti des sans-papiers mexicains et s’opposent aux conservateurs.

Vous (ou d’autres) regardez Captain America, voyez le drapeau américain et en déduisez à tort qu’il véhicule l’impérialisme américain… alors qu’il le critique en plusieurs occasions. Et j’’aimerais bien qu’on me montre quel héros de BD française s’est appliqué à critiquer aussi régulièrement, aussi méthodiquement, les autorités ces huit dernières décennies.

Sauf que je n’en vois pas.

Dans le monde de Trump

Donald Trump dans Harley's Little Black Book #5 (2016)

Enfin, est-ce que l’élection de Trump peut bousculer le monde des super-héros ? Je pense notamment à Captain America qui s’attaque à Trump dans un épisode de Spider-Gwen. Dernièrement, la dessinatrice de Ms Marvel (musulmane) a aussi tenté une cover très peu élogieuse envers le néo-président des Etats-Unis, pensez-vous que l’éditeur laissera carte blanche ?

Couverture de Ms. Marvel (par Phil Noto), qui dans sa version réelle n’impliquait pas de photo de Trump.

Je pense que vous confondez deux sources. D’un part il y a les séries Captain America : Sam Wilson et Captain America : Steve Rogers dans lesquelles, comme je disais, le scénariste Nick Spencer est très critique envers les conservateurs américains. Au point de s’attirer les foudres de certains médias, comme Fox News, qui se sont très bien/trop bien reconnus dans la parabole. Trump n’y est pas réellement représenté mais ses éléments de langage sont là. Par ailleurs, dans une autre série, Spider-Gwen, donc, d’autres auteurs représentent Trump comme un super-vilain difforme.

Je pense que la couverture de Ms. Marvel à laquelle vous faites allusion est en fait un montage qui a circulé sur le web. Dans l’image originelle Ms. Marvel déchire une photo qui, dans le montage, est remplacé par le visage de Trump. Si on parle bien de cette illustration, elle n’est pas parue dans l’état dans les comics. Par contre ce qui est certain c’est que les auteurs ne retiennent pas leurs coups et que donc la question a déjà trouvé sa réponse. Si ces épisodes de Captain America existent, c’est bien que l’éditeur laisse carte blanche, quand bien même Isaac Perlmutter, à la tête de Marvel Comics, est un républicain assumé, déclaré et pas l’un des plus tendres. La majeure partie de l’équipe éditoriale de Marvel est remontée contre Trump. Expliquer à des gens comme Joe *Quesada* ou Axel *Alonso*, situés en haut de cette hiérarchie éditoriale, que vous allez construire un mur pour tenir les hispanos hors du pays, forcément…

Donald Trump dans Dark Knigjt III: The Master Race #7 (2016) qui promet de faire payer les kryptoniens pour la reconstruction de Gotham.

Et chez la concurrence c’est pareil. Donald Trump apparait comme un bouffon dans Dark Knight III : The Master Race. Dans Harley’s Little Black Book #5, on le voit en train d’espérer être élu « président du monde » afin de « construire un mur autour de la planète » pour éviter les invasions extra-terrestres. Donc la question de savoir si les éditeurs vont laisser faire, elle est caduque, les éditeurs laissent faire, depuis des mois. Dans la réalité Trump peut avoir un effet sur l’économie américaine et donc, indirectement, sur la santé financière du monde de l’édition. Les décisions qu’il prend peuvent avoir un effet sur le pouvoir d’achat du quidam moyen, qui sera plus ou moins enclin à acheter des fascicules de BD. En gros, si l’Amérique se redresse financièrement ou si elle s’enfonce, la situation ne sera pas la même pour les éditeurs de comics, c’est un fait. Mais pour ce qui est du contenu des histoires ? On peut déjà constater que c’est, en un sens, une source inépuisable d’inspiration. Sur les quatre années qui viennent, les comics n’ont pas fini de le tourner en ridicule ou de le critiquer, tout comme ils ne se sont pas gênés pour Nixon, Reagan, Clinton, Bush.

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