#promopotoJ’en profite que ce week-end je ne suis pas en « tournée » pour vous parler d’un livre sorti il y a quelques semaines et qui n’est pas de moi (même si l’auteur m’a demandé d’en signer la préface) mais dont la lecture pourrait s’avérer intéressante pour ceux qui ont goûté mes deux premiers ouvrages, centrés sur les super-héros français. Pourtant, en apparence, « L’Histoire des Super-Héros – les publications américaines en France (1939-1960) » (édité chez Néofélis) fait le chemin inverse. Pour ma part je m’intéressais à une population de super-héros créés en France, avant que des « pères la morale » viennent étouffer cette production. Jean-Michel Ferragatti (contributeur de longue date à www.comicbox.com, en charge de la rubrique French Collection), lui, s’est concentré sur la recherche des traductions françaises de la première génération de super-héros américains. Pris au premier degré, cela peut être ludique et amusant. Si je vous parle du Justicier, de Superfemme et d’Océo Rex, une grande partie d’entre vous patineront dans le vide sans réaliser qu’il s’agît respectivement de Batman, Wonder Woman et Aquaman.

L'Histoire des Super-Héros - les publications américaines en France (1939-1960)Et ça, encore, c’est pour parler de figures connues puisque par la force des choses (en particulier l’Occupation) l’équilibre des traductions et de la popularité des personnages a été totalement bouleversé. Les gamins de 1941 ne risquaient pas de lire Captain America ou les super-héros ouvertement antinazis Human Torch et Sub-Mariner. Alors dans ce vide, les traductions de The Flame, Blue Beetle ou Black Condor prirent un certain relief, quand bien même il fallait passer à travers la censure du régime vichyste et des retouches inhérentes à des différences de format ou de langage. Sous le vernis des traductions rigolotes, délirantes ou outrancières, Jean-Michel chronique ni plus ni moins que l’arrivée des super-héros américain en France et les conditions de leur acclimatation, près de trente ans avant la date envisagée par la plus grande partie du public et même d’une partie des « spécialistes« .

Alors bon vous allez me dire que, peut-être, vous êtes fans de Marvel et que du coup, les trente ans qui ont précédé les éditions Lug et Artima, cela ne vous intéresse pas. Et vous avez tort sur toute la ligne parce que le présent ouvrage démontre qu’Atlas/Marvel est arrivé en France une quinzaine d’années avant Lug, mais de manière méconnue. Vous avez doublement tort parce qu’une bonne partie des héros du Golden Age non-produits par Marvel ont influencé des créations de ce dernier, comme par exemple Amazing Man (réincarné plus tard dans les pages d’Iron Fist). Si vous êtes fans de DC, vous verrez comment cette phase initiale a défini les rapports de force entre les éditeurs. Bon et puis bien sûr, certains d’entre vous vont me dire que les super-héros très peu pour eux, qu’ils ne goûtent que la production moderne dite indé, les Walking Dead, Saga ou Bitch Planet. Sauf que… les mésaventures, les transformations de ces BD anciennes, le pourquoi du comment on a abordé la traduction VF avec tels noms, tels termes, tels formats, cela s’est décidé graduellement dans ces premières décennies.

Là où cela se rejoint avec Super-Héros: Une Histoire Française et Super-Héros Français: Une Anthologie, c’est que « L’Histoire des Super-Héros – les publications américaines en France (1939-1960) » (avant un second tome traitant de la période post 1960) traite lui aussi d’un pan de la culture populaire totalement enfouie par des gens qui, très sérieusement, affirmaient que ce genre de lectures abîmeraient les yeux des enfants ou, pire, en feraient des tueurs en série en puissance (là, d’un coup, je tente d’imaginer une ou deux générations de serial-killers aveugles). Lire le livre de Jean-Michel Ferragatti, présenté sous une couverture originale de Jean-Yves Mitton (le paternel de Mikros, excusez du peu), c’est se cultiver, avec ce double niveau de satisfaction qu’au passage on piétine ces gens, dignes du 1984 d’Orwell ou du Fahrenheit 451 de Bradbury, qui voulaient nous empêcher (nous, ou ces gamins d’alors qu’étaient nos parents ou nos grands-parents) de simplement lire des œuvres qui, en plus, véhiculaient dans l’ensemble des valeurs morales.

L’Histoire des Super-Héros – les publications américaines en France (1939-1960), de Jean-Michel Ferragatti, chez Neofélis, que vous pouvez commandez sur le site de l’éditeur.